Commentaires de Claude Riwan
Bonjour,
Lors de sa piètre argumentation en vue de justifier l'assignation de Serge Guichard, la représentante du Ministère public a tenté un "c'était un coup électoral dans le cadre de la préparation des élections cantonales" au sujet de la mobilisation éco-citoyenne à Moulin Galant. Si tel avait été le cas, on ne comprends pas très bien l'intérêt d'avoir attendu la veille du deuxième tour de ces élections... Il faut croire que refuser de laisser des êtres humains survivre au milieu d'immondices serait plus acceptable hors période électorale.
Bizarrement, cette phrase a réveillé en moi quelques échos similaires et en particulier ceux des paroles du député-maire de Palaiseau qui n'avait pas hésité en 2003 à retirer sa délégation de maire-adjoint à Serge Guichard, son deuxième adjoint à la mairie, parce qu'il avait refusé d'être complice de l'écrasement du bidonville des Roumains de Palaiseau. Régulièrement épinglé pour ses faux semblants concernant les Roumains ou le Centre de rétention administrative de la ville, François Lamy n'avait de cesse de dénoncer les propos courageux de Serge en disant qu'il ne s'agissait que de "son fond de commerce"...
Les arguments foireux des uns valent bien ceux des autres. Les mauvaises raisons qui poussent à tolérer que des humains soient traités comme des parias sont les mêmes chez les uns et chez les autres. Vous ne trouverez ni les élus de Corbeil, amis de Dassault et à l'origine des poursuites, ni le députe-maire d'Evry qui prétend à la fonction de Président de la République, ni le " conseiller " de Martine Aubry parmi les signataires de la pétition demandant l'abandon des poursuites contre Serge Guichard. Faut-il encore s'en étonner à la lecture de ces articles ou tracts datant de 2003 ?
Et comme un hommage à la persévérance dans le combat pour la dignité, on appréciera la continuité du soutien apporté par la Ligue des Droits de l'Homme.
Bonne lecture !
Solidairement,
Claude Riwan
PALAISEAU : Le ton monte à propos du squat roumain
En écho aux déclarations de son adjoint à la jeunesse, Serge Guichard (PC), qui mettait en cause sa gestion du dossier des « squatteurs roumains », François Lamy, le maire (PS) de Palaiseau, vient de répliquer sous la forme d'un communiqué. L'élu rappelle qu'il est opposé à toute expulsion « tant qu'une solution globale n'aura pu être trouvée ». Il fustige l'attitude de son adjoint, l'accusant de « multiplier les initiatives irresponsables et les déclarations à l'emporte-pièce », des « gesticulations à répétition » dont l'unique but est, selon François Lamy, de permettre à Serge Guichard « de se positionner à l'approche du congrès du Parti communiste », dont il est membre du bureau national. L'intéressé précise quant à lui qu'il n'a rien à prouver, que son unique objectif est d'éviter l'expulsion de ces Roumains dont plusieurs enfants sont scolarisés à Palaiseau, et qu'il n'a pas l'intention de démissionner du mandat que lui ont confié les électeurs.
Le Parisien, mercredi 05 février 2003
Après la destruction du squat des Roumains,
De manière inhumaine et illégale le squat des familles roumaines situé avenue des Alliés à Palaiseau a été rasé au bulldozer, à l'aube du mercredi 27 août, à quelques jours de la rentrée scolaire. Ainsi des familles sont mises à la rue sans qu'aucune solution ne leur soit proposée. Nombre d'entre elles n'ont pu récupérer leurs affaires personnelles. C'est inacceptable.
C'est d'abord à ces personnes, à leurs enfants que nous pensons. Ils ont un besoin urgent de solidarité. Nous appelons les forces de gauche, les progressistes, les humanistes à condamner cette politique répressive mise en place par le gouvernement de Messieurs Raffarin et Sarkozy. Depuis des mois des pressions inadmissibles étaient exercées sur ces ressortissants roumains.
Cette expulsion est illégale, car elle s'est faite sans le commandement d'exécution, procédure rendue obligatoire par le jugement du 9 mai 2003. Cela a supprimé, de fait, le délai supplémentaire de deux mois qui aurait pu permettre de poursuivre l'action pour trouver les solutions sociales (dont le logement) au niveau intercommunal, départemental, etc... Palaiseau ne pouvant suffire.
Rappelons que ce squat existait depuis quatre ans, que trois enfants y sont nés et que la Roumanie va bientôt intégrer l'Union Européenne. La solidarité des Palaisiennes et Palaisiens, les liens avec ces familles roumaines prenaient d'ailleurs de l'ampleur, les a priori s'estompaient, les soutiens s'élargissaient…
Grâce aux actions menées depuis des mois, trois familles ont été relogées à Palaiseau. Sans la coopération responsable des Roumains, sans la solidarité constante, sans les interventions juridiques des avocats, qui depuis janvier 2003 ont permis de repousser plusieurs tentatives d'expulsion, ces relogements n'auraient pu avoir lieu. Mais que sont donc devenus les autres?
Nous regrettons que les propositions de "table ronde" avec le Préfet, avec la communauté d'agglomérations afin d'examiner toutes les possibilités de solutions aient été refusées. Nous maintenons ces propositions, seules susceptibles d'aider les familles chassées du squat et qui n'ont sans doute aujourd'hui d'autre alternative que d'en reconstituer un nouveau.
Ce n'est pas en chassant les pauvres que l'on combat la misère. Pire, on les marginalise davantage, en brisant tout lien social. Nous condamnons ces méthodes qui vont à l'encontre des valeurs essentielles de fraternité, de solidarité, de justice proclamées par la République. Nous condamnons toute éventuelle expulsion du territoire.
Les migrants ne viennent pas ici par plaisir mais pour survivre. Et ils travaillent : dans l'agriculture (en ce moment, ils vendangent), dans le bâtiment et les travaux publics (pavent-ils nos rues ?), dans l'industrie (voir le scandale des chantiers navals de Saint-Nazaire)… Ils sont cantonnés dans les tâches les plus rudes, sous-payés, non déclarés, sans protection sociale, virés du jour au lendemain. Obligés d'accepter ces conditions dont personne ne voudrait, le patronat se sert d'eux pour faire pression sur les autres salariés.
Tant qu'une partie de l'humanité vivra dans la misère, certains chercheront à venir là où se trouve l'essentiel des richesses, pour s'en sortir et permettre à leurs enfants de vivre dignement. Tout l'arsenal juridico-policier n'y changera rien. Ce n'est pas de centres de rétention dont notre pays a besoin, mais au contraire de centres d'accueil, pour recevoir ces migrants, les aider, leur permettre de s'installer ailleurs que dans des bidonvilles et sortir de la précarité.
A quelques jours du sommet de Cancun, nous réaffirmons notre opposition aux politiques libérales qui aggravent les inégalités et amplifient la misère. Nous affirmons qu'un autre monde est possible.
30 Août 2003
Premiers signataires :
Alternative Libertaire 91, APEIS (Association pour l'Emploi et l'Information et la Solidarité avec les chômeurs et précaires), APP (Agir pour Palaiseau), Union Locale CGT Massy et environs, Droit pour Tous 91, Forum Social Nord Essonne, FSU 91, LCR Palaiseau-Massy, Les Verts Palaiseau, MRAP Essonne, PCF Nord-Essonne, PCOF 91, Ras-le-Front Evry, SNUIPP Palaiseau, SUD-Education 91...
Ci dessous le droit de réponse de François Lamy à l'article du journal l'"Humanité" du jeudi 4 septembre 2003 intitulé "les bulldozers écrasent le droit".
Ce "démenti" publié dans l'"Humanité" est accompagné d'une réponse du journal. Le comparatif est suffisamment éloquent pour n'appeler aucun autre commentaire.
Un mot cependant pour attirer votre attention sur le dernier paragraphe du démenti du Maire, terriblement édifiant sur le fond. Surtout quand il vient après un article du journal municipal qui fait des amalgames qu'on avait plutôt l'habitude de trouver ailleurs jusque là... [NDLR : trafic... De plus, l'éradication du bidonville était annoncée dans la page "amélioration du cadre de vie"]
D'autant qu'une pétition de soutien était signée par un certain nombre d'habitants du quartier et adoptée sous forme de motion lors du conseil de quartier ! Tout le monde ne tire décidément pas les mêmes leçons du 21 avril 2002.
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Article dans l’humanité du 11 septembre 2003 :
« Le maire François Lamy retire ses délégations à son adjoint Serge Guichard, après l'entretien que ce dernier a accordé à « l'Humanité ».
Suite à l'interview de Serge Guichard du 4 septembre, l'adjoint communiste à la Jeunesse et aux Sports s'est vu retirer ses délégations par le maire de Palaiseau (91). « C'est son refus de l'expression de la diversité au sein de la majorité municipale qui conduit François Lamy à sanctionner Serge Guichard pour délit de solidarité vis-à-vis des Roumains »,s'indigne Claude Riwan, secrétaire de l'organisation du PCF pour le nord de l'Essonne. « Ce n'est pas en retirant sa délégation à un adjoint qui a appliqué dans ses actes les engagements qu'il défend que l'on construit un travail entre partenaires, mais par le dialogue et la confrontation des idées », confirment les élus communistes de Paris dans un communiqué adressé au maire de Palaiseau. La secrétaire nationale du PCF, Marie-George Buffet apporte également tout son soutien à Serge Guichard et entend écrire à son homologue socialiste, François Hollande, pour l'informer de son étonnement suite à cette décision. Mais les réactions dépassent largement le cadre des relations entre les deux partis de gauche. Michel Tubiana, président de la Ligue des droits de l'homme (LDH), ainsi que Mouloud Aounit, président du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (Mrap), devraient prochainement manifester leur soutien et leur désapprobation.
S'estimant gravement mis en cause dans notre article du 4 septembre, le maire de Palaiseau a demandé que son point de vue soit publié. Sans vouloir éterniser le débat, il nous semble toutefois nécessaire de rappeler certaines précisions :
- les Roumains doivent, tous les trois mois, retourner dans leur pays d'origine, pour y renouveler leur titre de séjour enFrance. La plupart des familles ont passé une partie de l'été à travailler dans les champs roumains. Elles ont reconstruit des baraques de fortune à quelques mètres de l'ancien campement ;
- on peut s'étonner de la coïncidence de l'opération de démolition avec la distribution, le jour même, du magazine municipal annonçant la nouvelle ;
- s'il est exact qu'aucun conseil municipal ne s'est tenu depuis le mois de juillet, un bureau municipal s'est bel et bien réuni peu de temps avant l'expulsion ;
- plusieurs témoignages et photographies d'affaires personnelles prouvent la présence de Roumains dans le camp au moment de sa démolition ;
- il ne pouvait y avoir de reconduite à la frontière puisque ces personnes sont en situation régulière ;
- enfin, une table ronde a effectivement été demandée, non seulement par les élus communistes mais aussi par plusieurs associations dans un appel à la solidarité. »
Ludovic Tomas
Le maire de Palaiseau s’explique dans un droit de réponse publié dans l’humanité du 11 septembre :
« Suite à l'article « Les bulldozers écrasent le droit », paru dans L'Humanité du 4 septembre, le député maire socialiste de Palaiseau tient à apporter les précisions suivantes.
« Cela fait plus de quatre ans que ce bidonville existe et prend de l'ampleur. Des allers et retours très fréquents étaient pratiqués entre Palaiseau et la Roumanie. Certains sont mêmes repartis il y a plusieurs semaines sans avoir l'intention de revenir. (...)
La municipalité s'est saisie du dossier et a adopté collectivement une position le 14 avril dernier qui engageait, bien entendu, tous les élus de la majorité. Celle-ci se résumait ainsi : la ville souhaite la disparition d'un bidonville abritant plus d'une centaine de ressortissant roumains dans d'épouvantables conditions d'hygiène et de précarité. Sur ma proposition, la municipalité s'engageait à intégrer les familles dont les enfants étaient scolarisés au 1er janvier 2003. (...)
La décision d'expulsion a été prise par l'État suite à une décision de justice. J'en ai été informé la veille. Contrairement à ce qui a été affirmé, le conseil municipal n'a pas été réuni depuis le mois de juillet (...).
Les dix fonctionnaires de police présents le 26 août au matin ont constaté qu'aucune personne n'occupait le camp et je me félicite que l'intervention ait été légère. Je suis satisfait que, conformément à ma demande, il n'y ait pas eu d'opération spectaculaire de reconduite à la frontière. Par ailleurs, ni le Préfet, ni la communauté d'agglomération que je préside n'ont reçu de demande de table ronde sur le sujet. (...)
Pas plus qu'elle n'accepte que l'Etat impose la construction d'un centre de rétention administrative sur son sol (...), la ville ne souhaite voir perdurer une situation d'une précarité telle qu'elle met en péril les personnes, particulièrement les jeunes enfants. (...)
L'intégration des familles est fortement critiquée par une partie de la population. Je dois malheureusement constater que dans le bureau de vote où était situé le bidonville, les électeurs du Front national venait de la gauche. Je ne crois pas que la leçon à tirer du 21 avril soit de renforcer l'extrême droite. »